Le magazine tout en papier qui vaut 4,5€ et qui m'a précédemment laissé un goût amer continue dans sa quête de sens.
Couverture: ouaaaaah c'est bô, faut dire que celle de Silent Hill pour le n°2 était assez crade - surtout que l'artiste (Recio) fait mieux pour l'affiche des World Cyber Games 2004, au dos de ce n°3. Puis à la première page dans l'édito, on ne sait quoi penser: le rédac' chef annonce fièrement que "les dernières barrières imposées aux journalistes afin de garder un lien affinitaire avec le public main stream se sont effondrées". Ah, ça veut dire que le n°2 avec deux tests européens et tout le reste en import, ça visait le tout public? Le texte continue: "Désormais, chaque rédacteur a totale carte blanche pour s'exprimer sur son sujet de prédilection, sa seule mission étant de vous donner l'information la plus spécialisée". La cible est donc clairement avancée: les hardcore gamers et personne d'autre. Ou alors les joueurs de ps2, à en juger le contenu.
Statistique simple et funky pour les tests, "la rubrique dite 'traditionnelle' du mag": 10 jeux, 9 en import, 9 pour ps2, 1 pour GameCube, 0 pour Xbox, 0 pour GBA, WarioWare étant ainsi le seul jeu PAL et non-ps2 testé. On peut trouver des softs pour les autres consoles dans les "mini-magazines" dédiés aux RPG ou aux jeux de baston, mais est-il besoin de rappeler que ces zones du mensuel font 15 pages chacune, dossiers, news et autres rubriques incluses? Même en les ajoutant au décompte des tests, la Xbox et la GBA sont chacune créditées d'un seul petit jeu, évidemment des imports. L'omniprésence de la console de sony pousse la rubrique des news à créditer Naruto 3 sur ps2 alors qu'il s'agit d'un jeu GameCube!
Si on excepte la section des News qui est toujours aussi illisible, la maquette reste tout à fait sexy. Continuons à déplorer les pseudo-anglicismes omniprésents qui avaient leur style dans The-Sugoi mais qui sonnent un peu creux dans un mag' papier tiré à 60 000 exemplaires (pas si loin du monolithe Consoles +!) ou les textes à la limite du scandaleux. Je voudrais bien en parler tout de suite, mais franchement, j'écris cet article sans trop savoir par où commencer tellement le bilan est lourd.

Oh puis zut, parlons-en, de ces articles accablants: je parle de "GameHeure" et de "Enquête". L'un est intitulé "Jeux vidéo, relations amoureuses, qui mène la partie?" (trois filles créditées pour les photos, mais seulement deux clichés?) et l'autre "Le Tsunami de l'occasion". Le GameHeure commence fort: "Ha, les filles! [...] Elles auraient été parfaites si Lilith n'avait pas oublié de donner à Eve un pad à la place d'une pomme!" Petit rappel pour ceux qui ne s'y connaissent pas en ésotérisme: dans la Bible, c'est le Diable qui a donné le fruit défendu à Eve qui l'a elle-même donné à Adam. Lilith, dont l'existence est reniée par la religion chrétienne, aurait été la première femme d'Adam et conçue à partir de sables impurs avant de se faire éjecter du jardin d'Eden pour être remplacée par Eve. Version courte: Eve et Lilith ne se sont jamais rencontrées! Retour à l'article: diverses statistiques sont citées mais pas leurs sources (Prince of Persia, acheté par 33 % de filles dont 55% pour l'offrir à leur copain? Bien précis tout ça!). Puis on atteint des sommets avec des phrases que l'on croirait volontiers extraites de VSD ou du Nouvel Obs pour leur immaturité inculte; ainsi, Laurent, "petit copain" d'une dénommée "Alexandra, 18 ans", "aime bien faire une partie avec Alexandra à côté de moi car je trouve que c'est plus sympa de jouer en sa présence. Et puis quand j'affronte un boss, ça me motive! Elle peut faire autre chose à côté, je ne mets pas le son fort". Le texte finit sur un lapsus révélateur: "les joueurs de jeux vidéo on une libido haut dessus (sic) de la moyenne". Au desssus, et très haut!
L'enquête sur "le Tsunami de l'occasion" arrive à se contredire toute seule. Le marché parallèle des jeux d'occasion y est au début présenté comme "un danger pour la liberté créative vidéoludique" avant de se conclure avec "le marché du jeu d'occasion demeure un puissant symbole de démocratie et de le (sic) liberté d'expression, pour ne pas dire liberté tout court". Schizophrénie, mon amour! Même pas besoin d'aller chercher d'un bout à l'autre de ces quatre pages pour relever les contradictions, on les voit parfois d'un paragraphe à l'autre! Exemple: "Une bonne licence à prix d'occaz fera toujours de l'ombre dans un magasin à un jeu neuf d'éditeur tiers. C'est un véritable problème d'actualité. Non seulement les ventes de ces produits 'artisanaux', pour la plupart conceptuels et souvent délicieux sont affectées, mais de plus c'est toute l'infrastructure des développeurs de jeux vidéo qui se met à saigner". Vite un mouchoir, que dis-je, une compresse! Mais au paragraphe suivant, ces PME vidéoludiques en prennent pour leur grade: "Ce n'est paradoxalement pas le marché de l'occasion qu'il faut remettre en cause mais plutôt la politique un peu poussiéreuse des petits éditeurs qui n'ont pas su ou pu surfer sur la vague indétournable du changement et de la modernité". De "produits artisanaux, conceptuels et souvent délicieux", on passe à "poussiéreux, qui n'ont pas su ou pu surfer sur la vague du changement et de la modernité!" A côté, un encadré discute du cas spécifique des jeux en import, que l'on préfère neufs et dans leurs éditions originales. Un paragraphe commence avec "'l'anti-occaz spirit a donc de beaux jours à couler" avant de finir en le désignant comme "secteur [...] en perte de vitesse"! Je passe sur le côté publi-rédactionnel à l'encontre du magasin Flash-Games, de perles comme "la qualité d'un bon vendeur d'occasions, c'est sa politesse avec le client et sa connaissance en jeux vidéo" (comme si ce n'était pas le cas pour les autres!), ou de citations d'un type clamant que sans l'occasion, il n'aurait pas découvert d' "excellents titres" comme Red Faction ou Turok Evolution!

Plus belle phrase du magazine que je vous livre aussi pure qu'on la trouve dans le test de Winning Eleven 8 (en import JPN, bien sûr!): "L'italie et le portugale se partage l'écran titre d'un jeu définitivement latin". Outre les majuscules absentes aux noms des pays, l'absence de troisième personne du pluriel à "partager", le E ajouté au Portugal qui n'en demandait pas tant, l'absence de ponctuation et l'écran-titre qui aurait aimé avoir un tiret, on est en droit de s'interroger sur le sens de la phrase: "un jeu définitivement latin"?!
Vous l'avez deviné, côté orthographe, rien ne s'est arrangé, au contraire: les deux pauvres correctrices (dont une a un skyblog) ont aussi laissé passer des "psychopate", "nora jones", "cela va s'en dire" et j'en passe. Parfois, on atteint le mauvais goût avec la "récompense mortuaire" en lieu et place de "posthume" remise à Gunpei Yokoi par l'IGDA dans un dossier (excellent si on excepte cette bourde) dédié à ce maître du jeu vidéo. Franchement, côté ortho, GameFan tape dans la catégorie "fanzine"...

Les côtés positifs: publicité au strict minimum, impression de qualité, tests rédigés par des gens qui connaissent leur sujet (c'est flagrant avec les tests-phares de Winning Eleven 8 et Gradius V) et la place donnée aux jeux "alternatifs" comme Panic Maker. Non, je n'entrerai pas dans la polémique autour des jeux sévèrement notés (Guilty Gear Isuka qui se bouffe un 6,6 ou KOF Maximum Impact à 5,6), des forums le feront mieux que moi. Toujours dans le bon, la couverture superbe et imprimée sur un papier bien plus épais (et on passe des agrafes à la reliure), le choix vraiment éclairé des "oldies" dans chaque mini-mag... En parlant d'eux, le "Rétro" fait un carton plein (si on excepte la "récompense mortuaire" de Gunpei Yokoi), et arrive même dans un article sur les consoles-flops à sous-entendre une préférence qui doit n'engager que le rédacteur: "Dommage qu'aujourd'hui, des consoles 'nulles' ne subissent pas le même sort, s'en sortant à coup (sic) de centaines de millions de dollars de frais publicitaires... Quelqu'un se sent visé?" Ben, à voir la dèche totale sur la console de Microsoft dans le mag', oui, je crois que oui.

J'ai commencé en parlant de la "quête de sens" du magazine. En effet, dur d'avoir dans les mêmes pages une rubrique qui nous explique ce qu'est un sprite et des techniques ultra-avancées pour Soulcalibur 2 - "Le A de Xiang est le High le plus rapide du jeu avec i10 mais surtout avec un hit stun de +7, un BS de 0 et un B garanti en counter hit, si AA touche en CH, B est garanti, permettant de mettre en place un 'psychological trap' [...]", c'était trop dur d'écrire "piège psychologique"? - sans se poser des questions. Ou quatre pages dédiées aux dating sims de chez D3 Publisher, un sujet qui a beau passionner Fab', ne risque pas d'intéresser grand monde? Que des rubriques absolument inutiles comme "Echauffements - Le Journal d'Aliasaka" (ne cherchez pas le sens, apparemment y'en a pas) ou "Underground Report" (la fameuse page 13; d'ailleurs, le sieur H.Falcon, "guest-rédacteur" autoproclamé, doit être arrivé là par copinage ou n'être que l'autre pseudo d'une même personne, parce que ses articles sont clairement les plus nazes du mag') prennent un espace précieux? Ne vous leurrez pas sur le passage de 98 pages à 114: le manga "King of Gamers" (sortie en reliure annoncée dans l'édito) prend les 8 feuillets ajoutés! Et GameFan en a suffisamment pris pour son grade pour que j'aborde le cas du manga - en bref: découpage sec, pages 3 à 6 qui auraient dû dégager, tramage minimaliste, et quitte à faire un manga pour l'éditer, autant le faire en lecture orientale. Ou ajouter une rubrique Japanime, pendant qu'on y est.
La critique du numéro 3 de GameFan est donc à l'image de leurs critiques de jeux vidéo: très sévère. Omniprésence de la console de sony, articles lunatiques ou tapés sous ecsta (et l'orthographe! la grammaire!) sont des défauts lourds mais que l'on peut corriger. Ce qui me semble bien plus dommageable pour un magazine qui se veut alternatif à la médiocrité ambiante de la presse vidéoludique, c'est son manque de ligne rédactionnelle - ou alors d'un cap qui justifierait un tirage aussi important. Les hardcore gamers aussi avancés que leurs techniques de SoulCalibur 2 sont-ils si nombreux? Importent-ils tous leurs jeux, quand un article présente ce comportement comme marginal? Et sont-ils tous aussi peu enclins à réfléchir sur le jeu vidéo en tant qu'art ou média de communication, à l'instar du message que Gaming tentait de faire passer? Car la réflexion ne vole jamais haut dans GameFan, et c'est bien dommage - surtout comparé à son prédécesseur dans l'alternative (ou même au site que vous lisez en ce moment, hin hin).
En considérant les délais de publication, on peut considérer que ce numéro 3 est le dernier de la première fournée, celle écrite avec pour seuls avis ceux qui ont été postés sur le premier numéro. Vivement qu'on lise les opus à venir, écrits avec un feedback conséquent sous les dents... Oui, je suis têtu; en tant que seul magazine qui a l'intention de bouger la presse, il est le seul que je puisse encourager. Alors même conclusion que mon article précédent: que les avis soient entendus et que cela soit corrigé, ça n'en sera que mieux pardonné. Amen.