Par Sonocle Ujedex

On attribue le spoil comme ennemi n°1 de tout bon amateur de fiction. Quoi de plus rageant que de connaitre les tenants, aboutissants et surprises d’une bonne intrigue à cause d’un malotru qui laisse échapper l’information alors que vous n’étiez qu’en train de marcher dans la rue sans rien demander à personne (et pour acheter le dernier tome de votre bouquin favori en plus) ?

C’est vrai que pour une œuvre qui vous semble saisissante, c’est un abominable gâchis (d’où spoil) [, mais n’est-ce pas parfois drôle quand il s’agit d’une œuvre dont vous vous moqueriez bien volontiers, histoire de vous rassurer de sa définitive nullité ?(ex : la révélation finale de MÄR, à chialer. D'ailleurs tout le final est à chialer! Ce manga est à chialer!)
Ou même, de regarder tout de suite la dernière ligne/case/réplique/scène, pour vous constituer une énigme à déchiffrer avant le moment fatidique qu’est le final préalablement spoilé ? ("Mais comment a-t-on pu en arriver là ? " Vous diriez-vous)

Il arrive même parfois que c’est la scène finale qui vous encourage à regarder le reste de l’oeuvre, ce qui n’est pas si mauvaise idée puisqu’il arrive qu’on ne puisse faire confiance qu'au début de l’œuvre, qui ne décolle dans son intrigue qu’un peu plus tard. Abenobashi ou même Evangelion, tout deux de chez Gainax, ne laissent deviner tout l'intérêt et la réalité de leur contenu qu'après 2 ou 3 épisodes.

On peut donc en déduire que le spoil peut servir de motivation à la découverte d’une œuvre, et particulièrement quand son départ est un peu lent et pénible.
C’est dans une telle démarche que j’en suis venu à découvrir School Days.


School days est vraiment l’anime qui peut se targuer d’attirer les gens uniquement pour son final. Le digital-comic (ou devrais-je dire cartoon, puisqu’il est entièrement animé ! Belle prouesse, tout de même), dont il est l’œuvre originale, est reconnu des fans pour ses 3 mauvaises fins atroces et sanglantes. Presque des mèmes au sein de la communauté otaku, ces fins étaient fort attendues dans la version anime, depuis son annonce en mars 2007. Ne connaissant rien à School days, si ce n’est les 3 mauvaises fins, quelques infos sur le jeu vidéo et un synopsis, je me demandais comment une histoire de romance lycéenne pouvait finir ainsi.

Voyons déjà le synopsis sur AnimeKa. Une histoire de triangle amoureux en somme toute classique comme on en a vu des centaines de fois. Impression de classicisme renforcé par la vision d’un chara-design propre, joli mais convenu, les personnages ne semblant pas transpirer d’originalité, s’ébattant d’un cadre bien connu (le lycée) maintes fois usité.
Je ne voyais vraiment pas comment ça pourrait se terminer en un bain de sang. Mais me rappelant du choc que me fit Higurashi, je m’attendais alors a une sacrée surprise.

Nous voilâmes déjà en Septembre quand la série atteignit son 12eme et ultime épisode. Quelques infos, issues d'un certain enthousiasme autour de la série, suscitèrent mon intérêt.
Le héros serait un lamentable connard, insupportable, et même parfaitement détestable. Je croyais à ce moment là voir une larve, du genre héros de harem en pire, ou un successeur de Tsukasa de .Hack//sign en terme de volonté (lui même successeur de Shinji de EVA). Puis, la fin serait effectivement une boucherie bien saignante.

Héros crétin+univers romantique convenu+gore end = epic win. L'équation faite, j'ai sauté le pas, m'étant procuré les 12 épisodes en 3 jours, le double pour tout voir. Je suis à présent capable de donner un avis clair: What the fuck?

Je n'imaginais pas voir un anime aussi frustrant et déplaisant avec School Days. J'aurais dus m'en douter, vu comment ça se finit. Ce qui devait être un vrai plaisir coupable, un défouloir, a pris plus d'ampleur que prévu.

Fait avéré, Makoto s'est vu placé au plus du panthéon des persos d'anime les plus détestables par de nombreux amateurs, et je peux les comprendre.
On dit de lui que c'est un être bête, égoïste, avec un appétit immodéré pour les femmes, alors qu'il est tout à fait lâche et irresponsable.

Fort d'une réputation de gentil garçon (pour une fois que ça plait aux filles...), le voilà un devenu un véritable Dom Juan, voyant l'ensemble des jeunes filles quelque peu intéressées par lui comme un self-service.
Une fille lui plait, il se sert, c'est pas très bon alors il pioche dans ce qui passe sous mains, ça se mange plus facilement, et puis finalement le truc d'avant était pas mauvais. Et puis tient! Il y a un autre plat qui a l'air bon par ici! Et ça continue encore et encore...

C'est bien simple, Makoto a réussi l'exploit tant attendu de (vraiment) se taper toutes les filles de l'anime!(sauf une grande taciturne dont tout le monde s'en fout). Toutes! Yay! Et comment, me demandez-vous? Comme je l'ai dit plus haut, il fait comme au self.
Sauf qu'il se croit dans un buffet à volonté, avec un prix unique à payer pour tout ce qu'il prendra, alors qu'il devrait comprendre que dans un self-service, chaque plat à un prix.

Je ne vais pas non plus raconter toute l'histoire (et continuer dans ma navrante métaphore de restaurant), mais le fait est que Makoto n'a, à aucun moment, voulu assumer les responsabilités que comprend un couple, ce qui l'amena à sa mort.
Ne pensant qu'au plaisir immédiat avec les filles, en leur laissant miroiter de faux espoirs par des non-dits et des mensonges et en fuyant les problèmes, Makoto a finit par le payer cher. Tout le long de la série, ce type n'a cessé de me taper sur les nerfs pour ses successions de mauvais choix animés pour des raisons dérisoires ("hmmm, elle est canon aussi. Je me demande si...")

Dans un plan rigoureusement distrayant, parce qu'il s'agit avant tout d'un animé faussement balisé, voir tout un fatras de tromperies et luxures soldés par la mort du connard de héros et des nunuches de héroïnes devrait être très marrant, non? Ce fut le cas dans l'immédiat. "Crève, salaud, crève! Hinhinhin!" est la première chose qui devrait nous traverser l'esprit. "Pchuiiit! Ça gicle de partout!" suit dans la foulée.

Mais avec le recul, je me dis que Makoto n'était juste qu'un pauvre bougre, bête et impulsif. Juste un jeune homme qui a trop réfléchi avec son pénis.
Et ces filles, ce n'était que des filles comme en a vu pleins. Envieuses, bécasses, incertaines, timides, facétieuses, à fleur de peau. Elles ne voulaient que connaitre l'amour. "Putain de merde" fut de rigueur. J'étais effaré.

Comprenez-bien; les personnages en face de moi n'avait rien d'extraordinaire. Ils existaient même dans d'autres anime. Au point où finalement, on est familier à ce genre d'univers comico-romantique. Le bento, le toit, les cours animés, le copain obsédé, les jolies filles, et le fan-service (un tout petit peu) consternant. Tout pour que le fan d'anime se sente en terrain sûr et connu.
Mais c'est alors qu'intervient des tournures d’évènements assez graves pour un monde de ce type.
On a prêté des doutes et des tourments mélodramatiques à des personnages incapable de supporter ce poids! Ciel! Peste! Ventre Saint-Gris!

Vous imaginez si, dans Love Hina, Keitaro sortait avec Motoko dès le début, pour ensuite enchainer avec [mettez le nom d'une fille de Love Hina ici] sans rien lui dire, la laissant en proie à un aveuglement dépressif qui empire d'épisode en épisode? Vous savez qu'elle sait se servir d'un sabre; c'est inclus dans son profil stéréotypé. Elle tuerait tout le monde à coup de botte secrète de son dojo avant de se suicider, voilà ce qu'elle ferait. Carrément et sans détour, fine comme elle est!

Quand un être humain normal et complexe trouverait bien des moyens pour évacuer sa peine, un stéréotype dont on résume la personnalité en trois mots et quelques hobbies commettra forcément un acte improbable, énorme, net. Quand on fout des baffes en étant juste irrité, c'est l'apocalypse quand il s'agit de problème de cœur si grave.

Des êtres aussi limités que les lycéens d'anime comico-romantique ne peuvent qu'avoir des réactions extrême. Et là, quel choc. Il s'agit là d'une désacralisation totale de tout un pan de la japanime. Presque aussi révoltante qu'une règle 34 prise en pleine poire, nous sommes arrivés à l'extrême limite de ce qu'un univers romantique lycéen peut nous offrir.
Toutes les conventions et limitations ont été exploitées pour nous offrir la descente aux enfers que représente School Days.
Tout va de plus en plus mal, les personnages deviennent tous corrompus et souillés (Pourquoi, Sestsuna? Pourquoi?) , et le sort semble s'acharner sur eux: les quiproquos, coup du sort et appel géographique ("Désolé mon amour, mais j'ai fait une promesse qui m'oblige à aller dans une autre fac/nation/dimension parallèle, et on risque de ne plus se voir") récurent des harem sont utilisé ici à des fins machiavéliques.

Chaque épisode est plus dégoutant que l'autre, on a l'impression de s'enfouir de plus en plus dans les marasmes de la souffrance amoureuse, et les personnages se dégradent au fur et à mesure et de manière constante avant de faire exploser le peu d'identité qu'ils possèdent.

En fait, School days, c'est tout le contraire de Gurren-Lagann dans le déroulement.

Autre surprise effarante: je ne m'attendais pas à autant de thématique et de référence intéressante dans un tel anime.
Deux me viennent encore à l'esprit maintenant (c'est peut-être même les deux seules et c'est déjà beaucoup):

. Le téléphone portable est l'autre star du show. Elle représente bien cette jeunesse moderne qui idéalise et fétichise (je crois que ce mot n'existe pas) à tout va, et fait office véritable hublot qui nous interpose entre les nous et les autres. Makoto se contentait au début d'idéaliser l'image de Kotonoha, au point de la prendre en photo pour conserver cette beauté parfaite. L'aspect communication dessert bien les relations entre les personnages.
Elle devient un vrai baromètre des relations entre les personnages. Pour quelque chose comme une rupture, qui devrait être dit franchement, c'est un texto menteur ou désinformatif qui est envoyé. Quand on ne veut plus voir une personne, on la bloque de son répertoire. Quand on n’ose pas dire quelquechose en face de quelqu'un ou que cela fait trop mal à dire à voix haute, c'est encore le texto qui prend le relais. La scène des milles pardon suivis d'un adieu en SMS, dans le dernier épisode, m'a fait de l'effet...frissonnant est peut être le bon terme.
Mais surtout, c'est autour de lui que les personnages interagissent, discute et admire leurs screenshots.
Le téléphone portable est tour à tour un vecteur de rapprochement, puis de séparation, et laisse aux personnages taper du bout des doigts ce qu'ils pensent tout bas. Bien utilisé!

. Elle arriva tardivement, mais la tragédie (dans le sens théatrale du terme, voir lien) est une thématique stupéfiante et bien desservis dans School Days.
Vous en avez surement déjà lu durant votre scolarité, de ces "trucs déprimants où tout va mal, tout le monde crève et que le destin, c'est rien qu'un enfoiré".
Mais School Days, c'est exactement ça!
Des héros limités par leurs dérisoires conditions (de lycéen d'anime en ce cas), se trouvent dépassé par une force que les dépassent: des sentiments qu'ils sont incapable d'interpréter correctement, les menant alors à leur pertes, et ce de manière atroce, et ce en assurant la catharsis (voir lien) durant tout le long. Une vraie tragédie moderne en anime, ce School Days, je vous dis!
Pour appuyer de manière plus concrète l'existence de cette thématique, on a bien vu ces histrions masqués qui assaillaient la conscience de Setsuna et Sekai. On remarque que leurs intentions amoureuses ont joué dans l'implacable machinerie. ? Montrer à son amoureux (Makoto) une magnifique fleur (Kotonoha), prouve que je suis bien une formidable personne (Sekai) pour avoir fait une telle découverte et apporté tant de bienfait à mon amour. ? Nan, mais ça va pas la tête?

Vous l'aurez bien compris, School Days est un anime qui m'a fortement culbuté sans que je le vois venir arriver. Mais ce qui, enfin, m'a encore bousculé dans School Days, c'est que ce putain d'anime m'a remis en question.

A la base, c'est bien un Dating Sim. Il s'agit de faire le bons choix afin d'accéder à la meilleure fin. Mais Makoto, lui, n'a fait que des mauvais choix. Chaque décision était la mauvaise, et c'est logiquement qu'il eu une fin atroce. Avoir été si égoïste, prendre tout le plaisir pour soi sans avoir pensé une seule fois aux sentiments de celle avec qu'il était, c'est ce que Makoto n'aurait jamais dut faire.

Mais maintenant qu'on sait quels sont les mauvais choix, pourquoi je n'ai pas une seconde chance pour faire les bons? Pourquoi c'est obligé que ça se termine ainsi, dans un bain de sang suivis d'un abandon en haute mer? Pourquoi quand ça va mal, je ne peux rien faire pour améliorer les choses?
Parce que c'est à sens unique, c'est tout! Pas de retour en arrière, que ce soit en anime ou dans la vrai vie. Prend garde à tout ce que tu fais et chéris l'autre comme toi même, dans le plus profond des respects, car sinon, au mieux il ne te restera que des regrets, au pire une place à côté du père Lachaise.
J'ai même bien envie de jouer au jeu rien que pour gagner les bonnes fins.

"Don't mess with love!" sera la morale de cette terrible histoire que fut School Days. Remercions Makoto et ses copines pour nous avoir montré ce qu'ils ne faillaient absolument pas faire lors d'une relation amoureuse. C'était de bien étranges moments passé ensemble, quelquepart entre la gêne et le soulagement (ou plutôt la catharsis, si vous avez biens suivis).

La balle est dans votre camp à présent, et tout ce que j'espère pour vous à présent, ce que vous ne finissiez pas vos jours la tête dans un sac.
"Don't mess with love! Don't!"





Ah, au fait...



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OP & ED de School Days
Opening: Innocent Blue de DeviceHigh
Ending 1: Usotsuki de CooRie
Ending 2: Ai no Kakera de Hashimoto Miyuki
Ending 3: Waltz de Kanako Itou
Ending 4: Kioku no Umi de Yozuca
Ending 5: Look At Me de Yuria
Ending 6: Namida no Riyuu de Kuribayashi Minami.