(épisode 1 : Face of Mankind, épisode 2 : Shadowbane)

Pour ceux qui n'ont pas lu les épisodes précédents de cette rubrique, le Tiers-Beta est là pour aborder tous ces jeux "massivement multijoueur" qui surfent sur la vague. Faut comprendre les producteurs : si on leur dit "le joueur ne paie plus seulement une boîte et un CD mais doit nous verser un pécule tous les mois", ils deviennent tout mouillés dans le pantalon. Sauf qu'une majorité de ces titres sont tellement mauvais que personne n'y joue (ce qui casse quand même un peu le concept du "massivement" dans "massivement multijoueur"). Ils auraient dû rester à l'état de version Beta... quoique : Face of Mankind fait partie de ceux qui sont en Beta test depuis des années, les auteurs ayant bien conscience que sa commercialisation est vouée à l'échec. Voilà pour la présentation, passons à la viande.

PlanetSide a au moins quelque chose pour lui : un concept original. Vous vous souvenez de Mankind, un des premiers MMO (1998) qui était le premier MMORTS, autrement dit de la stratégie temps réel massivement multijoueur ? Okay, le jeu est à chier et je ne suis jamais arrivé à construire un bâtiment, mais bon, il fallait oser. Pour en revenir à PlanetSide, il s'agit du seul et unique MMOFPS, le shoot à la première personne massivement multijoueur. Serveur en monde persistant, des milliers de joueurs, trois clans qui se mettent perpétuellement sur la gueule, véhicules sur terre et dans l'air, au mépris de tous les dangeeers, Cat's Eye, signé Cat's Eye... Sorti il y a trois ans, les serveurs ont fusionné pour ne faire qu'un seul monde accessible par différents miroirs mondiaux. Ensuite, ils ont ajouté un système pour faire apparaître des publicités à l'intérieur du jeu, sur des pancartes disposées dans les bâtiments (à la manière d'Anarchy Online ou SWAT 4). Puis il y a trois mois, l'éditeur a ouvert une offre pour accéder gratuitement au jeu, sans carte bancaire. Les comptes gratuits sont limités jusqu'au niveau 6, étant ainsi limités dans l'apprentissage de nouvelles compétences ou l'utilisation de véhicules lourds. Sauf que je n'ai jamais ressenti ces restrictions, puisque j'attends encore de gagner un niveau.

A la création du personnage (moche), on doit choisir entre trois camps : les bleus, les jaunes caca d'oie et les mauves (arborant une teinte de violet que je croyais interdite depuis les seventies). Largage dans un camp pour un tutorial fort bref, et on fonce vers la navette la plus proche.



C'est toujours agréable de voir un jeu sorti depuis trois ans qui arbore encore des bugs graphiques bien baveux. Oui, mes drivers sont à jour, je suis vacciné et je n'utilise pas de 3Dfx du siècle dernier, merci d'avoir demandé. Les polygones qui clignotent sont ominprésents, je vois à travers les murs et je chope une crise d'épilepsie après un quart d'heure de jeu.



Ah, les voilà, ces fameuses pubs. Tous les panneaux sont dédiés à la promotion d'un seul jeu vidéo... PlanetSide. Ah, mais euh, j'y joue là, merci de me le rappeler, le sentiment d'immersion vous remercie. Personne d'autre n'a voulu acheter ces pancartes ? Tant mieux.



Au moins, ça a de la gueule. Ca tourne à 60 images/seconde sans férir, on voit loin, les robots sont mignons, la distance d'affichage est énorme, les environnements sont assez variés. Oui, j'ai fait ce screenshot moi-même. Joli, hein ?



Par contre, c'est toujours aussi foireux côté vérification des bugs. Il est joli ce scooter, mais le moteur physique le fait glisser leeentement sur la pente, et impossible de monter dessus tant qu'il bouge, même si c'est centimètre par centimètre. Dites, ce genre de problème avait pas été éradiqué avec le XXème siècle ?



Bon, comment ça marche ce bordel ? Plusieurs planètes et trois camps. A la façon du génialissime mode Onslaught du toujours aussi méga-cool Unreal Tournament 2004, on capture les bâtiments en piratant leur ordinateur, le faisant basculer dans notre camp. On peut alors voyager vers ce point, puis on suit le réseau pour atteindre la base ennemie. Certaines zones ont une allégeance définie, voire neutre. Les endroits où ça pète sont indiqués par de petits soleils jaunes, comme au journal télévisé. Sur cette image, je suis la flèche en D9, et il faut rejoindre le combat au Nord.



Sauf que parfois, ces indications sont foireuses. Ici, par exemple, un joueur s'amuse avec une zone de neutralité : symbolisées par ce bouclier énergétique géant, il est impossible de tirer quand on est à l'intérieur, et les persos à l'extérieur ne peuvent atteindre ceux qui sont dedans. Sauf que ce kéké garde son perso la tête hors de l'eau, faisant croire qu'on peut lui tirer dessus, alors qu'en fait, ben non, il est bien au chaud. Il se fout des autres en courant le long de la ligne Maginot. Tous ses adversaires lui tournent autour et le canardent en espérant qu'il sortira ; alors comme il y a du grabuge, la carte générale indique l'endroit comme zone chaude. Sauf que non. Et ça peut durer longtemps.



Très longtemps.



Quand tout le monde a pris les rares véhicules, on a l'air con. Donc on marche. Sans arme dans les mains, sinon on court moins vite. Cette "règle" de gameplay du "on court moins vite avec un truc dans les pattes mais si on le porte dans le sac à dos ben on va plus vite" est apparue dans Counter-Strike, mais je ne comprends toujours pas la logique qui l'anime. Oui, pour le gameplay, ça rajoute de la tension d'être obligé de courir avec un Opinel plutôt qu'avec son AWP, mais c'est pas cohérent. Dans PlanetSide, on court donc les mains dans les poches, et comme on ne voit pas d'arme qui se "balance" à l'écran pour simuler la course, on réalise que notre valeureux soldat glisse sur le sol.
Ces séances de jogging sont inévitables, interminables, insupportables. MMO ou pas, PlanetSide est le premier FPS avec une touche "Toujours Courir", pour que votre avatar trotte sans toucher au clavier. Sacrilège !



En chemin, j'en profite pour quitter le petit groupe et hacker un bâtiment pas trop loin. Pas d'activité, mon capitaine.



Euh... C'est vraiment vide, en fait. Sans couverture, sans ennemi, je grimpe tout seul à l'ordinateur du bunker, et le pirate sans difficulté. Aucune indication à l'écran pour annoncer un quelconque gain de points d'expérience. Du coup, on tombe quand même sur un gros défaut du jeu : massivement multijoueur, peut-être, mais du coup, tous les points névralgiques ne peuvent pas être surveillés. On entre comme dans un moulin dans des bases désertes alors que le combat fait rage à l'autre bout de la carte, et on grappille sagement de nouvelles zones pour son propre camp. Les développeurs ont tenté de limiter les dégâts en "fermant" certaines planètes au fil des horaires internationaux pour éviter les mondes vidés, mais ça ne marche pas trop... Et du coup, on se met à regretter un bon "petit" serveur de 32 ou 64 joueurs, où tout le monde sait où sont les autres, où les objectifs sont bien définis, où l'on ne se cherche pas pendant des heures. Une des règles de base du level design d'un shoot multijoueur, règle qui remonte à l'époque des éditeurs de cartes pour DooM : il ne faut pas que les joueurs se cherchent. Raté.
J'en profite pour remarquer un autre défaut majeur, hérité des MMORPG : tout prend du temps. BEAUCOUP DE TEMPS. Hacker une porte prend une trentaine de secondes. Hacker un bâtiment, même avec des compétences de piratage élevées, prend une bonne minute. Prendre une fusée ou se téléporter pour voyager fait apparaître un joli chronomètre à l'écran. sony online entertainment applique son cahier des charges soigneusement rédigé à l'époque d'EverQuest : il faut que le joueur reste connecté longtemps, alors tout doit être lent. EverQuest est sans doute le jeu qui a le plus souvent été accusé d'avoir été conçu avec l'aide de spécialistes du comportement pour créer un sentiment d'addiction. Allez savoir si World of Warcraft est amusant parce qu'il est bien fait ou parce qu'il est taillé pour que vous y passiez vos nuits...



Enfin arrivés à la base ennemie ! Pourvu que ce soit pas vide...



W0000 ! Il y a du monde ! Comité d'accueil droit devant !



Et tant pis si je continue à avoir des polygones stroboscopiques !



Wheee ! Mon cerveau filtre les bugs et j'ignore le graphisme absolument hideux ! Nous allons tous mourir parce qu'à l'extérieur, il y a un tank énorme et que nous avons trois petits flingues ridicules !



Qu'est-ce que je disais. Ils sont arrivés avec des armes surpuissantes, on n'avait aucune chance. Ils ont fait irruption avec des Gatlings et d'autres armes sans doute réservées aux joueurs avec un abonnement. C'était pas ma guerre, colonel.
Dire que j'ai marché aussi longtemps pour être haché en moins de deux par un type avec un flingue plus gros que lui. Allez, on y retourne.



Vous voyez le petit "25 s" au-dessus de ma base ? C'est le temps à attendre avant de pouvoir ressusciter. Pas de respawn immédiat, et plus on meurt, plus ce délai s'allonge. Et donc, plus nos compères au combat doivent attendre longtemps pour les renforts. Conclusion : quand on perd, on perd encore plus.
Mais ce ne sont que des considérations de gameplay à la limite de l'intelligentsia. Parce que nous parlons d'un FPS, et donc, d'un genre avec lequel nous avons pour habitude de poser notre cerveau à côté du clavier avant de jouer. On veut que ça aille vite, on veut que ça bourrinne. En l'occurence, que dit le petit raton-laveur affamé en apprenant qu'il va devoir loucher sur une barre d'attente pendant 25 secondes en guise de pénalité avant de devoir repartir en trekking dans la jungle ? Facile : il hurle "25 SECONDES DE PUTAIN D'ATTENTE ?! PAS AVEC MOI, PLANETSIDE ! VA SUCER UNE PENICHE, PLANETSIDE !"



Même le logoff est plus ou moins long selon la position du joueur : être dans une zone amie ou ennemie fait plus ou moins grimper le compteur du délai de déconnexion - 30 secondes dans zone ennemie, afin que le joueur remarque du grabuge et soit ainsi incité à jouer un peu plus, surtout que déplacer le perso suffit à annuler le décompte. Il est également impossible de se déconnecter quand on est mort. PlanetSide est un honteux ersatz de Tribes 2, qui battait déjà un record d'affluence avec des serveurs pouvant accueillir jusqu'à 256 joueurs. Et Tribes 2 est tout aussi technique que PlanetSide, sinon plus. Et Tribes 2 est un vrai FPS, nerveux, tactique et à grande échelle. Les similarités entre les deux jeux sont évidents, au point d'affirmer que PlanetSide n'est qu'un Tribes 2 avec un abonnement. Une façon comme une autre de s'autoproclamer "jeu massivement multijoueur"... Encore faudrait-il qu'il soit jouable.